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Gabon D'abord
25 mars 2006

Les prochaines guerres civiles

L’éclairage de SHANDA TOnmE

Au regard des bousculades et des déclarations d’urgence qui semblent caractériser la gestion des problèmes africains dans la sphère diplomatique, on a l’impression que tout ce qui arrive sur le continent tombe subitement, sans aucune annonce ni possibilité de prévision. Rarement on a vu les acteurs multilatéraux ou bilatéraux, se préoccuper des prémices des crises ou proférer des avertissements.
En général, les médias, les bonnes âmes intéressées des organisations humanitaires internationales, la lourde machine onusienne et bien d’autres, ne se font entendre, que lorsque le drame s’est déjà produit, et que les cadavres se chiffrent par centaines de milliers. Pendant longtemps, nous avons cherché, mais sans réponse, pourquoi un continent pouvait autant être l’objet d’un traitement à part, voire d’une forme de discrimination. Certes, les rivalités coloniales et la permanence des chasses gardées traitées en maîtresses voilées et violées, continuent de servir de pistes acceptables d’explication, mais comment avaliser cette thèse dans un monde devenu aussi interdépendant dans les principes de gestion et aussi exigeant dans l’harmonisation des droits des gens ?
L’Afrique vit un paradoxe cruel, où les espoirs de lendemains meilleurs à la suite d’une élection réussie ou d’un changement significatif dans un pays, sont souvent vite éteints, par de graves dérapages autocratiques dans un autre. Même les Africains les plus optimistes, en arrivent à perdre la tête, et à ne plus jurer que par des expressions de désespoir, qui les exposent à des tentations d’exil sans retour, sinon à un processus lent de suicide.
Dans ce contexte, il dévient parfois difficile, de se prononcer sans regretter le lendemain, sur ce débat sans fin, notre afro pessimiste et afro optimiste, que le dernier livre d’Odile Tobner vient de relancer. Chacun reste à la fin libre, soit de décréter que l’Afrique cache trop de mystères qui la compromettent et donnent à son destin un sens étrange hors des normes et des principes universels, tantôt qu’elle est tout simplement en retard de plusieurs siècles sur les autres civilisations planétaires. Elle ne se presse donc pour rien, elle prend son temps pour toute chose, y compris en faisant payer un prix élevé à ses peuples.
Nous n’entendons pas vous plonger dans des réflexions infinies, et encore moins dans des débats académiques ennuyeux. Nos intellectuels, nos hommes des sciences et des lettres, nous ont fait perdre trop de temps. Nous avons sans doute manqué quelques tournants révolutionnaires significatifs, parce que nous avions fait confiance à ces diplômés habitués à développer de grands discours sans rapport avec la vendeuse de beignets.
Ce qui importe aujourd’hui, c’est de comprendre où nous allons, et si les chemins ne sont pas bons, qu’est ce qui nous attend, vraiment ?

Nous sommes convaincus dorénavant, que notre malheur vient en partie, du fait que nos hommes des sciences, n’ont pas souvent eu le courage de dire la vérité sur le présent, pour mieux indiquer les dangers de demain. L’Afrique que l’on berce dans les allées des conférences diplomatiques internationales, n’est pas la même que nous vivons au quotidien. Le fossé est si grand, entre cette Afrique-là, celle des proclamations, et l’Afrique des peuples au quotidien, celle des marchés populaires et des petits débrouillards qui traînent leurs misères à longueur des journées, dans les rues infestes de Conakry, Douala, Kampala, Dakar ou Bangui.
C’est quoi donc, ce monde où l’on ne s’occupe des malades, que lorsqu’ils sont arrivés à la porte de la morgue ? Comment ne s’offusque-t-on point de ces trahisons retentissantes, qui préparent généralement des lendemains sombres ?
Au moment où l’Union africaine et l’Onu sont tous tournées vers le Darfour, et qu’à Washington on ne se préoccupe que d’extrader Charles Taylor du Nigeria pour le faire juger par le tribunal pénal international sur la Sierra Léone, des guerres civiles brutales s’annoncent sous nos yeux. Nous pensons qu’il faudrait dès maintenant, tirer la sonnette d’alarme, en faisant justement le travail d’alerte que l’on ne veut pas ou que l’on ne peut pas faire par ci et par là.
Dans ce contexte, autant désigner nommément, le Tchad, la Guinée de Conté, le Cameroun, et la Côte d’Ivoire, qui apparaissent dans notre analyse prospective, comme les prochains champs des guerres civiles ouvertes à très brève échéance. Il faut d’ailleurs, dans ce sens, louer la clairvoyance et le courage de l’économiste Ekoka Penda qui, dans sa plus récente sortie dans les colonnes d’un quotidien local, évoquait le risque de somalisation du Cameroun.
Au Tchad, ce n’est pratiquement plus qu’une question de jours, avant que le président en place, tronque ses beaux costumes pour le treillis de guérillero. On a beau faire semblant à Paris, à New York ou à Washington de ne pas voir ou de ne pas être au courant, le sort de ce pays est à nouveau scellé dans la guerre civile. En laissant le petit soldat Déby fabriquer une constitution pour devenir très prochainement président à vie, on a ramené le Tchad à plusieurs décennies en arrière, offrant l’occasion à son élite vorace et fanatique, de jouer au seul jeu qu’elle maîtrise depuis plus de trente ans, le jeu de massacres.
Dans le cas du Cameroun, on découvre seulement après vingt ans, que le pays a été en réalité plongé dans l’abîme, en lieu et place d’un régime de renouveau, de rigueur, et de moralisation que les discours promettaient en 1982. Plus grave, des mesures timides de redressement par la lutte contre la corruption qui ont été engagées, n’ont pas dépassé le stade de quelques démonstrations superficielles et de quelques arrestations ciblées. Conséquence, la déception des populations n’en est que plus grande, particulièrement après que l’Assemblée nationale, n’ait rien pris comme résolution effective pour amorcer un changement politique profond.
La conséquence de ce jeu biaisé est aujourd’hui, la perte totale de confiance des citoyens, et leur prédisposition à toutes les manipulations violentes. De fait, les grandes têtes du régime qui craignent que toute radicalisation de la lutte contre la corruption prenne des allures de conférence nationale qui indexerait d’abord une ethnie, pourraient bien être tentées par une révolution de palais. Les analystes n’hésitent pas à voir ainsi dans la réaction des prélats indigènes de Yaoundé, à la suite des premières arrestations, une sorte de mise en garde diligentée sous la table par des politiciens du village. Il n’y a pas l’ombre d’un doute, que le président a été menacé par ses frères.
De telles menaces, rentrent dans la typologie comportementale des profiteurs et des privilégiés des régimes articulés sur des institutions publiques de façade, où la réalité des décisions est clanique. En somme, l’entourage immédiat, voire villageois du souverain, en arrive à refuser toute alternance, et à entrer dans le complot ouvert pour le renverser. Dans le cas où le souverain a pris le risque de cacher ses véritables intentions et à quitter le pouvoir sans l’assentiment du clan, celui-ci cherche la moindre occasion pour essayer de reprendre le pouvoir, comme on l’a justement vu avec le coup d’Etat manqué de 1984 au Cameroun.

Or un scénario de révolution de palais, même bancal, plongerait irrémédiablement le pays dans une guerre civile dont personne ne peut prévoir l’issue, même pas les détenteurs de milliards volés des caisses de l’Etat. Le Cameroun semble donc enfermé maintenant dans le genre de cercle vicieux que seule l’explosion parvient à élaguer.
S’agissant du Congo démocratique, la perspective d’un maintien du jeune Kabila à la présidence de la république lors des élections qui s’annoncent, est une vraie catastrophe. Ce pays va de toute façon exploser dans tous les sens, et ce sera la faute de l’Onu, de l’Union africaine et des Etats-Unis, lesquels n’auront pas su ou voulu conseiller à ce jeune homme qui n’a pour seul bagage en politique que d’avoir succéder à son père assassiné, de s’effacer. En réalité, les Etats-Unis ont, une fois de plus, sacrifié l’avenir du Congo sur l’autel de leurs intérêts économiques et géostratégiques. Washington comme en 1960 au moment où la Cia donna son aval pour l’assassinat de Lumumba par les services coloniaux belges, préfère ce jeune homme manipulable au pouvoir. Il s’agit de mieux contrôler le reste de la région, et de stabiliser ses intérêts, dans une coordination géopolitique assise sur l’axe Kigali-Kinshassa-Yaoundé.
La nouvelle ambassade américaine à Yaoundé en dit long sur cette stratégie, de même que l’activisme du représentant de Washington dans la capitale camerounaise, rentre dans une vision ordonnée pour la réussite de cet axe.
Ailleurs en Côte d’Ivoire, le seul principe de la candidature de Laurent Gbagbo pour la prochaine élection présidentielle d’octobre, constitue une indication du genre de problèmes et de troubles auxquels il faudrait s’attendre. En Afrique on ne connaît pas de président sortant qui perde des élections, surtout dans ces conditions. Ce n’est donc pas à Abidjan, que la doctrine va changer de géométrie, ou que l’histoire va se dédire.
Tout laisse penser, que passer le temps d’un scrutin de forme avec tous les ingrédients d’observateurs et de contestations, le pouvoir choisira de se crisper, de ne pas bouger, et par conséquent de lancer définitivement la guerre à outrance. Au nord comme au sud, chacun le sait, et chacun se prépare. La guerre civile là-bas, n’a pas encore montré toutes ses affres. Ce sera très grave.
Enfin, pour la Guinée du mourrant Conté, personne n’est maintenant en mesure de faire des pronostics sur les lendemains de la disparition d’un des dictateurs les plus obscurantistes du continent. La guerre civile semble hanter tous les esprits. Dira-t-on à l’Onu, à Paris, ou à Washington, que l’on ne savait pas, que l’on n’avait pas vu venir ? Non seulement ces autocrates croulants deviennent fragiles à force de penser aux grands procès qui suivront leur disparition, mais plus grave, le fait de vivre dans la crainte permanente du complot, finit par en faire des névrosés, des insomniaques qui ne croient plus à rien, et doutent de tout le monde, jusqu’à leurs propres épouses et progénitures.
Ce ne sont même plus des malades, ce sont véritablement des mort-vivants, selon toutes les considérations clinico-médicales et psychosomatiques. Et parce qu’ils ont tout fait pour bloquer toute démocratie, toute élection libre, et toute alternance pacifique, il n’y a pas de renouvellement de génération dans les centres de décision. La guerre s’impose donc après leur disparition, comme le champ enfin libre pour toutes les vengeances, pour tous les rattrapages, pour toutes les affirmations.
Voilà pourquoi les pays que nous avons identifiés, n’échapperont pas à la catastrophe. Que personne ne nous en veule surtout. Nous faisons un travail d’universitaire, d’analyste, et de lecteur averti des grands signaux qui fondent et formulent les destins des peuples, des nations, et des institutions. Nous sommes allés à l’école pour cela, et pour rien d’autre.

Le messager
Le 24-03-2006

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