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Gabon D'abord
18 avril 2008

Pourquoi légiférer sur le téléchargement illicite ?

source: le monde

S'il existe des projets de loi qui suscitent à coup sûr des polémiques à rebondissements, ce sont bel et bien ceux qui touchent à la lutte contre le téléchargement illégal d'œuvres cinématographiques ou musicales sur Internet. Le projet de loi Création et Internet, censé instaurer la riposte graduée contre le téléchargement illégal, qui doit être adopté aujourd'hui en conseil des ministres, n'y échappe pas. Issu directement de la loi sur les droits d'auteur et les droits voisins dans la société de l'information (loi Dadvsi) et des propositions présentées dans le rapport Olivennes, ce texte, qui en raison d'un calendrier parlementaire très chargé ne devrait pas être discuté en première lecture au Sénat avant la rentrée, arrive bien tard pour endiguer le flot des téléchargements illégaux.

Déjà, quand la loi Dadvsi avait été adoptée, au forceps, en 2006, il s'agissait de "lutter" contre 10 millions de Français habitués à télécharger de la musique ou des films sans payer. Depuis, le téléchargement illégal n'a pas faibli. Les peines existantes – jusqu'à 300 000 euros d'amende et trois ans de prison – ne sont jamais appliquées avec cette sévérité contre de simples utilisateurs. Le gouvernement souhaite garder cet arsenal de répression pénale pour lutter contre les pirates professionnels, et adapter la loi pour lutter, par un système de réponse graduée, plus pédagogique, contre le commun des internautes qui ne fait qu'échanger musiques et vidéos.

La ministre de la culture et de la communication, Christine Albanel, compte présenter un système à l'étude ou qui a déjà fait ses preuves en Europe : un message d'avertissement personnalisé serait d'abord envoyé par e-mail, puis une lettre recommandée serait expédiée et, en dernier recours, l'abonnement à Internet pourrait être suspendu. Ce dispositif serait géré, avec l'aide des fournisseurs d'accès, par une nouvelle autorité de régulation, la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi). L'association européenne des consommateurs (BEUC) qualifie de "mesure disproportionnée" et "inefficace" la coupure d'accès à Internet, qui "viole certains droits fondamentaux comme la présomption d'innocence ou la protection des données personnelles." Ce texte vise, selon Christine Albanel, à rétablir un terreau favorable à l'émergence d'offres légales de téléchargement musical et cinématographique, grâce à la liberté d'usage de fichiers musicaux français et à une accessibilité accélérée des films sur Internet. Mais avant même sa discussion au Parlement, il fait l'objet de vives critiques qui rappellent les débats houleux qui ont accompagné l'adoption de la loi Davdsi. Ce projet défendu par Renaud Donnedieu de Vabres, alors ministre de la culture, était devenu un cauchemar parlementaire du gouvernement Villepin. Les coups de théâtre s'étaient succédé à l'Assemblée nationale, les partis, aussi bien l'UMP que le PS, s'étaient déchirés. L'impréparation et les cafouillages répétés avaient atteint des sommets. Les lobbies de l'industrie musicale et cinématographique, comme ceux des fournisseurs d'accès à Internet, étaient aux avant-postes. L'idée, un temps évoqué, de créer une licence globale – une somme forfaitaire payée par les internautes aux créateurs, en échange d'un accès gratuit illimité à leurs œuvres sur Internet – avait fait long feu. Tout comme l'idée de contraventions aux fraudeurs.

Cette fois encore, les maisons de disques et les producteurs de cinéma vont défendre la thèse selon laquelle il faut, de toute urgence, stopper le piratage et continuer à financer la culture, sans quoi elle risque de disparaître. De façon inverse, les tenants du logiciel libre et les internautes dénonceront un projet de loi "liberticide". Les fournisseurs d'accès à Internet, pour leur part, ne veulent pas endosser le rôle de gendarmes du Net.

Parallèlement, la Commission nationale de l'informatique et des libertés a émis un avis assez critique sur ce texte, comme l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, qui, elle, demande un délai de mise en œuvre de la loi. Toutefois, le Conseil d'Etat a donné un avis favorable.

Ce projet suscitera sans doute des réactions politiques épidermiques au sein même de la majorité. C'est peu dire que Christine Albanel aura besoin de toute sa diplomatie pour défendre ce projet devant le Parlement.

De nombreuses critiques

Avant d'être discuté au Parlement, le projet de loi Création et Internet est déjà largement critiqué. Le magazine professionnel SVM est sorti de son habituelle réserve pour mobiliser 19 000 internautes. SVM craint un filtrage généralisé des réseaux et une criminalisation des internautes. Les grands noms de l'Internet, comme Microsoft, Google, Dailymotion, réunis au sein de l'association des services Internet communautaires sont – logiquement – hostiles à toute coupure d'accès au Réseau. Ces industriels ont reçu l'appui de plusieurs eurodéputés socialistes, dont Guy Bono et Michel Rocard, qui ont mis en cause l'approche choisie par la France et fait adopter, dans un rapport de la commission culture, un appel à éviter toute coupure d'accès à Internet. Ce rapport n'a pas de valeur juridiquement contraignante pour la France.

   date: 18/06/2008

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