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Gabon D'abord
23 octobre 2005

le CDR veut aller en cassation contre M. Tapie

L'arrêt de la cour d'appel du 30 septembre, prononcé en faveur de l'ancien ministre et homme d'affaires Bernard Tapie dans le dossier sur la cession d'Adidas par le Crédit lyonnais à Robert Louis-Dreyfus, en 1993-1994, n'est pas le dernier acte de cette affaire vieille de douze ans. Le tribunal avait condamné l'Etat à verser 135 millions d'euros aux actionnaires minoritaires de Bernard Tapie Finance (dont l'homme d'affaires lui-même) et aux liquidateurs de ses sociétés dans ce dossier (Le Monde du 3 octobre).

Un an de prison ferme requis pour fraude fiscale
Le procureur de la République Jean-Pierre Bernard a requis, jeudi 20 octobre, une peine de deux ans d'emprisonnement dont un ferme ­ et non deux ans avec sursis comme indiqué par l'ensemble de la presse présente à l'audience (Le M onde du 22 octobre) ­, à l'encontre de l'homme d'affaires Bernard Tapie, poursuivi pour fraude fiscale devant le tribunal correctionnel de Paris. Dans ce dossier, l'administration des impôts reproche à l'ex-ministre de la ville de ne pas avoir payé 7,1 millions d'euros d'impôt sur des revenus évalués à 14,6 millions d'euros au cours des années 1992 et 1993. "L'infraction me semble en l'état du dossier parfaitement constituée et le tribunal a toutes les pièces qu'il fallait pour statuer" , a indiqué M. Bernard.

Le ministère public a également demandé la publication du jugement en cas de condamnation. La 11e chambre du tribunal correctionnel de Paris, présidée par Noël Miniconi, rendra son jugement le 1er décembre.

M. Tapie reste, par ailleurs, poursuivi pour le délit de banqueroute. L'affaire doit être présentée le 19 octobre 2006 pour une audience de fixation.

Le conseil d'administration du Consortium de réalisation (CDR) ­ entité publique chargée de liquider les actifs douteux du Crédit lyonnais, opposée depuis 1996 à M. Tapie dans ce dossier ­, qui s'est réuni, vendredi 14 octobre, sous la présidence de Jean-Pierre Aubert, a, selon nos informations, clairement signifié sa volonté de se pourvoir en cassation.

"Le conseil d'administration de l'Etablissement public de financement et de restructuration -EPFR, l'organe de tutelle étatique du CDR- , est convoqué au cours de la semaine du 24 octobre pour se prononcer à son tour. Les cinq membres de ce conseil -deux parlementaires et trois membres du ministère des finances- semblent d'accord pour ne pas s'en tenir à l'arrêt de la cour d'appel", a expliqué l'un d'entre eux, le député (UMP, Marne) Charles de Courson, vendredi 21 octobre au Monde . Le même jour, M. de Courson a jugé, dans Le Parisien , qu'il était "de l'intérêt du contribuable, qui, en dernier lieu, devra payer une éventuelle addition, que cet arrêt de la cour d'appel soit cassé" .

Le CDR n'a pas encore déposé son pourvoi. Il dispose de deux mois pour saisir la Cour de cassation, qui peut soit casser l'arrêt et renvoyer l'affaire devant une autre cour d'appel, soit le valider. Le pourvoi n'étant pas suspensif, le CDR devra verser les 135 millions d'euros, auxquels devraient s'ajouter la dizaine de millions d'euros "oubliés" par la cour d'appel lors de l'évaluation des dommages et intérêts infligés à l'Etat.

L'un des avocats de M. Tapie, Me Maurice Lantourne, note pour sa part qu'il n'a pas été informé du dépôt d'un pourvoi. Son client estime, quant à lui, que dans ce dossier, "il y a ceux qui refusent de reconnaître leur tort, le CDR et M. de Courson, et ceux, au-dessus d'eux, qui savent que l'arrêt ne coûte rien à l'Etat" .

L'Etat, justement, suivra-t-il la détermination de ses organes représentatifs dans cette affaire ? Thierry Breton, le ministre de l'économie et des finances, avait indiqué, le 2 octobre, que les 135 millions d'euros "sont déjà provisionnés -par le CDR- ", mais qu'"il appartient au CDR de voir s'il ira en cassation" . Vendredi, Bercy confirmait cette position.

Les trois fonctionnaires du ministère des finances présents au conseil d'administration de l'EPFR devraient donc se rallier au choix du CDR, et l'établissement public entériner la décision de se pourvoir en cassation.

Depuis la publication de l'arrêt, M. Aubert, le président du CDR, a pris conseil auprès de trois cabinets d'avocats sur la question. Ils ont soulevé deux arguments majeurs et deux mineurs permettant, selon eux, de casser l'arrêt du 30 septembre. Le conseil du CDR, Me Jean-Pierre Martel, interrogé par Le Monde , n'a pas souhaité commenter les conclusions de cette consultation.

Sur le fond de l'affaire, il s'agissait de savoir si le Crédit lyonnais a réellement dupé M. Tapie lorsque celui-ci a vendu Adidas à la banque le 12 février 1993, contraint de s'en défaire après avoir été nommé ministre de la ville au sein du gouvernement de Pierre Bérégovoy. Actionnaire à 78 % d'Adidas, l'homme d'affaires entendait alors vendre sa part par l'entremise d'une filiale du Lyonnais, la SDBO.

Comme le rappelle l'arrêt de la cour d'appel, plusieurs mémorandums signés entre la SDBO et le groupe Tapie, notamment ceux du 12 et du 16 décembre 1992, stipulaient que le mandat consistait à trouver un repreneur des 78 % du capital d'Adidas au prix de 2,85 milliards de francs avant le 15 février 1993. Or l'ancienne banque publique a vendu l'entreprise, au moyen d'un portage financier, pour 4,485 milliards à M. Louis-Dreyfus.

Mais, ayant rompu toutes relations bancaires avec M. Tapie, à la faveur d'un protocole signé le 13 mars 1994, le Lyonnais estimait ne rien devoir à l'ancien ministre. Celui-ci dit n'avoir pas eu connaissance de ce montage.

Selon l'arrêt de la cour d'appel, "le groupe Crédit lyonnais, en se portant contrepartie par personnes interposées et en n'informant pas loyalement son client, n'a pas respecté les obligations de son mandat" . Les juges estiment que "l'obligation d'informer son mandataire, le devoir de loyauté, le souci de déontologie de toute banque (...), exigeaient de faire connaître à M. Tapie, client bénéficiant d'une aide financière considérable et constante depuis 1977 (...), qu'un repreneur était éventuellement acheteur à 4,485 milliards de francs à comparer au prix de 2,85 milliards du mandat" . Et de conclure : "Avec une constance inexplicable, les dirigeants du CDR s'obstinent à défendre des pratiques critiquables."

Le Crédit lyonnais et le CDR ont été tous deux condamnés, mais il appartient au seul CDR, dépositaire des anciens actifs de la banque et des contentieux qui y sont attachés, d'assumer le paiement des 135 millions d'euros. Le CDR doit aussi payer 300 000 euros de frais de procédure aux liquidateurs.

Jacques Follorou

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